Vos Kyusu
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Re: Kyusu mon amour
Voici un kyusu dont je viens de faire récemment l’acquisition. Il s’agit d’une œuvre d’Ogata Shuhei (1788-1839). Peut-être même n’en a-t-il assuré que le décor, la théière ayant alors été réalisée par un autre potier suivant ses instructions.
Le grand fêle qui balafre cette pièce sur toute sa hauteur ne peut échapper à l’observation :
J’imagine que c’est au cœur du four qu’est arrivé l’accident. Pour être plus précis, lors de la quatrième cuisson, car quatre cuissons sont bien nécessaires pour produire une telle pièce : d’abord deux pour la porcelaine blanche (dégourdi et émail translucide), puis une pour les émaux rouges et pour finir, une dernière cuisson à moindre température pour les finitions à l’or. Ainsi quand le potier ou plutôt l’un de ses assistants a ouvert la cazette qui protégeait la pièce, grande a dû être la déception de voir tant de travail anéanti dans l’ultime phase du processus.
J’imagine aussi, mais il ne s’agit que d’imagination, que cette pièce a été réalisée dans un four implanté dans une cité éloignée de Kyōto, point d’attache d’Ogata Shuhei. Peut-être un four de la province d’Hyōgo, où le céramiste renommé aurait pu être appelé par un Daimyō désireux de redonner du souffle à la production locale déclinante. C’est pourquoi, quand l’assistant sortit la pièce du four, il la mit de côté (bien que Shuhei ne l’ait pas retenue) se gardant de la jeter dans la fosse aux rebuts, comme il l’aurait fait sans états d’âme avec les pièces imparfaites de la production habituelle. Ce kyusu, il le fit restaurer à la laque, à la laque d’or même, l’œuvre le méritait. Ensuite il le revendit pour un bon prix à l’un de ces notables locaux, grands amateurs de thé infusé, qui poursuivent une quête incessante d’objets associés à la consommation de cette boisson
.
Ou, j’imagine, mais il ne s’agit bien que d’imagination, qu’il a pu garder pour lui la pièce altérée, souhaitant lui redonner fonctionnalité afin de la mettre au service de son propre plaisir : infuser son thé dans une théière faite par le Maître au sein du four que lui-même avait chargé de bois, une pièce qu’il avait extraite des profondeurs de ce four, lui procurait une réelle émotion, même si le seul thé qu’il pouvait s’offrir restait tout à fait modeste.
J’imagine enfin, mais il s’agit seulement d’imagination, que ce kyusu n’est pas un, mais deux. Je m’explique. Vous avez pu noter comme le couvercle est mal adapté, bien trop petit pour l’ouverture de la théière (même si l’on tient compte de la taille non négligeable de la fissure). Et je ne pense pas qu’on puisse imputer cette imperfection à une conception défaillante de l’objet. N’oublions pas que le décor a été réalisé par Ogata Shuhei et que celui-ci a, de toute évidence, choisi attentivement (après les deux premières cuissons) les pièces qui allaient servir de supports à son travail. On peut donc supposer que ce kyusu est en fait la rencontre de deux kyusu : l’un, au corps fêlé, dont le couvercle se brisa et l’autre dont seul le couvercle put être sauvé. Corps de l’un, couvercle de l’autre, voici peut-être la genèse de ce kyusu.
Mais bien sûr, tout cela n’est qu’imagination...
Toute imagination laissée de côté (désolé pour le délire un peu pompeux
), reste le charme simple d’un objet au long parcours inconnu. Longtemps utilisé, le tain déposé par le thé est là pour témoigner, ce kyusu mérite bien toutes nos attentions malgré ses imperfections.
P.-S. Ce kyusu est à rapprocher des tasses que je vous avais déjà présentées :
http://forumdesamateursdethe.fr/download/file.php?id=10981&mode=view
Le grand fêle qui balafre cette pièce sur toute sa hauteur ne peut échapper à l’observation :
J’imagine que c’est au cœur du four qu’est arrivé l’accident. Pour être plus précis, lors de la quatrième cuisson, car quatre cuissons sont bien nécessaires pour produire une telle pièce : d’abord deux pour la porcelaine blanche (dégourdi et émail translucide), puis une pour les émaux rouges et pour finir, une dernière cuisson à moindre température pour les finitions à l’or. Ainsi quand le potier ou plutôt l’un de ses assistants a ouvert la cazette qui protégeait la pièce, grande a dû être la déception de voir tant de travail anéanti dans l’ultime phase du processus.
J’imagine aussi, mais il ne s’agit que d’imagination, que cette pièce a été réalisée dans un four implanté dans une cité éloignée de Kyōto, point d’attache d’Ogata Shuhei. Peut-être un four de la province d’Hyōgo, où le céramiste renommé aurait pu être appelé par un Daimyō désireux de redonner du souffle à la production locale déclinante. C’est pourquoi, quand l’assistant sortit la pièce du four, il la mit de côté (bien que Shuhei ne l’ait pas retenue) se gardant de la jeter dans la fosse aux rebuts, comme il l’aurait fait sans états d’âme avec les pièces imparfaites de la production habituelle. Ce kyusu, il le fit restaurer à la laque, à la laque d’or même, l’œuvre le méritait. Ensuite il le revendit pour un bon prix à l’un de ces notables locaux, grands amateurs de thé infusé, qui poursuivent une quête incessante d’objets associés à la consommation de cette boisson

Ou, j’imagine, mais il ne s’agit bien que d’imagination, qu’il a pu garder pour lui la pièce altérée, souhaitant lui redonner fonctionnalité afin de la mettre au service de son propre plaisir : infuser son thé dans une théière faite par le Maître au sein du four que lui-même avait chargé de bois, une pièce qu’il avait extraite des profondeurs de ce four, lui procurait une réelle émotion, même si le seul thé qu’il pouvait s’offrir restait tout à fait modeste.
J’imagine enfin, mais il s’agit seulement d’imagination, que ce kyusu n’est pas un, mais deux. Je m’explique. Vous avez pu noter comme le couvercle est mal adapté, bien trop petit pour l’ouverture de la théière (même si l’on tient compte de la taille non négligeable de la fissure). Et je ne pense pas qu’on puisse imputer cette imperfection à une conception défaillante de l’objet. N’oublions pas que le décor a été réalisé par Ogata Shuhei et que celui-ci a, de toute évidence, choisi attentivement (après les deux premières cuissons) les pièces qui allaient servir de supports à son travail. On peut donc supposer que ce kyusu est en fait la rencontre de deux kyusu : l’un, au corps fêlé, dont le couvercle se brisa et l’autre dont seul le couvercle put être sauvé. Corps de l’un, couvercle de l’autre, voici peut-être la genèse de ce kyusu.
Mais bien sûr, tout cela n’est qu’imagination...
Toute imagination laissée de côté (désolé pour le délire un peu pompeux

P.-S. Ce kyusu est à rapprocher des tasses que je vous avais déjà présentées :
http://forumdesamateursdethe.fr/download/file.php?id=10981&mode=view
- roku
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Re: Kyusu mon amour
Blossom a écrit :On sent ta passion dans cette histoire.
Passion... Mais surtout laisser-aller d'un vendredi soir à la fin d'une semaine un peu fatigante

JMB a écrit :Passionnant tout cela.
Merci JMB

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Re: Kyusu mon amour
Beau récit d'invention
même si la "vérité" est peut être beaucoup plus prosaïque 


- roku
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Re: Kyusu mon amour
Tsubo a écrit :Beau récit d'inventionmême si la "vérité" est peut être beaucoup plus prosaïque

Pal mal de détails sont inspirés d'éléments de la bio d'Ogata Shuhei. De plus la récupération d'une céramique "ratée" par un des assistants pour son utilisation perso, c'est quand même bien prosaïque

Pour en savoir plus, on peut lire le magnifique catalogue (en japonais avec quelques parties en anglais) de l'expo sur Ogata Shuhei (I et II) qui a eu lieu récemment au Museum of Ceramic Art (MCART) de Hyogo.
Voici une courte vidéo sur l'expo, mais attention les oreilles...
https://www.youtube.com/watch?v=IkWJGiCXYUA
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Re: Kyusu mon amour
Moi j'aime bien, ces histoires inventées à partir de quelques petites choses



Proverbe touareg :
"Le premier verre de thé est amer comme la vie.
Le deuxième est aussi doux que l’amour.
Le troisième est aussi apaisant que la mort."
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- Tsubo
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Re: Kyusu mon amour
roku a écrit :la récupération d'une céramique "ratée" par un des assistants pour son utilisation perso, c'est quand même bien prosaïque

- roku
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Re: Kyusu mon amour
Oui, mais comme le dit Niva, il y a "des petites choses", des détails qui vont plutôt dans le sens d'un accident de cuisson.
Si tu regardes le kyusu par dessus (photo 4), tu peux voir que le fêle correspond à une déformation "rentrante" du corps. Celui-ci ne s'ouvre pas, du fait des tensions internes, comme généralement dans le cas d'un choc accidentel.
Mais bon, je ne suis pas potier...
Maintenant ce court texte reste à prendre pour ce qu'il est, juste un petit exercice d'imagination, me permettant de vous présenter un très vieux kyusu, passé sans doute dans de nombreuses mains d'amateurs de thés et de céramiques comme nous...
Si tu regardes le kyusu par dessus (photo 4), tu peux voir que le fêle correspond à une déformation "rentrante" du corps. Celui-ci ne s'ouvre pas, du fait des tensions internes, comme généralement dans le cas d'un choc accidentel.
Mais bon, je ne suis pas potier...
Maintenant ce court texte reste à prendre pour ce qu'il est, juste un petit exercice d'imagination, me permettant de vous présenter un très vieux kyusu, passé sans doute dans de nombreuses mains d'amateurs de thés et de céramiques comme nous...

- Tsubo
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Re: Kyusu mon amour
Oui, j'avais vu cette déformation
çà lui donne un petit charme, un vécu ... elle ne signifie pas nécessairement une cassure à la cuisson même si elle peut révéler une tension dans le corps de la pièce ... les chocs, même les plus mineurs, ne provoquent pas nécessairement une grosse cassure, mais peuvent suffire à créer un "cheveu", surtout sur les pièces fines : la structure cristalline casse à un endroit précis et la vibration engendrée propage la faille

- roku
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Re: Kyusu mon amour
Niva a écrit :Moi j'aime bien, ces histoires inventées à partir de quelques petites choses![]()
Merci Niva

- roku
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Re: Kyusu mon amour
Je ne sais rien sur l’auteur de ce kyusu, ce qui ne m’a pas empêché d’avoir un (petit) coup de cœur pour ce dernier (le kyusu, pas le potier

En ce qui concerne le décor, l’association de magnolias, pommiers sauvages et pivoines forme un rébus correspondant au vœu que la maison soit remplie d’honneurs et de richesses.
- JMB
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Re: Kyusu mon amour
J'aime bien cette délicatesse dans les formes et les couleurs.
Chef de produit thé nature chez Lippetonne and cie
- Tsubo
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Re: Kyusu mon amour
ouuuuh, pas mal du tout, belle maîtrise du cobalt



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Re: Kyusu mon amour
Je te crois Roku quand tu nous dit que les Kyusu sont d'abord fait pour les petites mains